Lead: Selon une étude publiée dans la revue scientifique The Lancet, environ 73% des avortements réalisés entre 2010 et 2014 dans le monde concernent des femmes mariées.
Cette confidence est réelle, juste les prénoms ont été changés pour préserver l’anonymat des personnes.
Je m’appelle COUMBA à 34 ans, je me suis fait avorter. C’était (08) huit mois après la naissance de ma première fille. Je n’avais pas une bonne situation financière et mon couple était en péril. Mon mari ne m’avait pas soutenu ni moralement ni financièrement pendant la première grossesse. C’est mon cousin, un gynécologue qui m’a fait accoucher à ma première grossesse. Et c’est ma mère qui a payé tous les soins de cette première grossesse. Cela m’a gêné de réclamer de l’aide à ses deux personnes une fois de plus, une fois de trop.
Gertrude, mon amie a fait plusieurs avortements par le passé, c’est elle qui m’a parlé du CYTOTEC un médicament interdit de vente en Côte d’Ivoire depuis 2017. Il fallait que je me rende dans le quartier d’Adjamé-Roxy, un quartier populaire dans la ville d’Abidjan réputé pour son marché de médicaments de rue. J’ai acheté le CYTOTEC là-bas à presque 10 000 F cfa (soit environ $18). Je l’ai pris par voie orale et posé à l’intérieur de mon vagin sur 03 jours. C’est ce que la vendeuse m’a dit. Rien. Cela n’a pas marché. J’ai fait une échographie, j’étais à 02 mois (08 semaines) de grossesse.
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J’informe alors Gertrude qui parle à son médecin habituel. Rendez-vous pris samedi matin, je me lève de bonne heure, toute seule je vais me faire avorter dans une petite clinique dans la commune de Yopougon. L’aspiration m’a couté 25 000 F cfa (soit environ $45). L’acte médical a duré une heure environ. Je n’avais pas mal, j’avais peur et je ne sais plus si on m’a fait l’anesthésie. Après avoir posé l’acte, le médecin m’a présenté la pièce opératoire. C’était fait. L’infirmière en charge de s’occuper de la pièce opératoire a lancé un commentaire maladroit: «humm!!… matin-là…» en allant jeter la pièce opératoire.
Le médecin m’a prescrit des antibiotiques et m’a dit de ne pas avoir de rapport sexuel avec mon mari pendant une certaine période au risque de retomber enceinte. Après, j’ai ressenti une grande fatigue comme si un camion de déménageur m’était passé là-dessus. Je me suis rendue chez mon amie Gertrude chercher du réconfort, j’ai dormi toute la journée du samedi dans sa chambre. J’ai saigné durant un ou deux jours et j’ai repris le cours normal de ma vie. C’est-à-dire prendre soin de ma fille et retourner au boulot le lundi matin. Je ne me suis jamais posé la question de savoir si je devais voir un psychologue, ici ce n’est pas spontanée de penser ça.
A la question de savoir pourquoi Gertrude ne m’a pas accompagné à la clinique pour l’avortement, je me souviens qu’au collège les filles se disaient que ce n’est pas prudent d’accompagner une amie se faire avorter parce qu’en cas de décès de celle-ci, la situation de l’accompagnatrice serait difficile. Tu aurais par exemple la charge de remplir les papiers administratifs de décès, de prévenir la famille, et peut -être faire la prison. C’était la plus grande peur de Gertrude à l’époque.
“Si vous voulez connaitre la législation sur l’avortement en Côte d’Ivoire, consultez le lien: https://www.howtouseabortionpill.org/fr/abortion-laws-by-country/cote_d_ivoire/“
J’ai avorté en 2019, et c’est un an plus tard que je l’ai dit à mon mari. Je lui reprochais son irresponsabilité. Il est resté calme et il m’a demandé si je pouvais avoir d’autres enfants. Je n’ai pas su quoi lui dire. J’en parle à ma mère plus tard, en même temps que je lui annonce mon intention de divorcer. Sur le moment, c’était inconcevable pour moi qu’une femme mariée puisse avorter dans un foyer, pour moi les avortements c’est plus acceptable quand on a une vie de jeune femme célibataire, un peu libre dans la tête quoi. Je suis évangélique et la religion que je pratique condamne l’avortement mais selon moi dans la vie, il y a des situations qui t’y contraigne.
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Témoignage recueilli par Murielle Edoua, Country -consultant Côte d’Ivoire.